C.SAROT Cyril, VALLÈS Jules

À nos marques suivi de “Les Criminels”

Auteurs : VALLÈS Jules / C.SAROT Cyril

ISSN : 978-2-35082-246-4
Nombre de pages : 68 p.
Format : 10 x 15 cm

5,00

Description

Extraits :

À nos marques :

Je déteste les trains où tout est fait pour que les passagers aient les moyens de travailler. Sièges confortables, couleurs neutres, espace feutré. Design étudié, tablettes ergonomiques, prises secteur. On branche les ordinateurs portables et les écrans s’allument. Les visages se ferment et les dossiers s’entassent. On s’affaire consciencieusement, on s’y sent comme au bureau, l’activité des uns et des autres fait ressembler l’endroit à une plate-forme d’entreprise en open space. Fini l’évasion, la respiration permise par le voyage. Adieu paysages et clochers de campagne, envols et divagations de l’esprit en regardant rêveur par la fenêtre. Le temps de trajet doit être rentabilisé : il s’agit à présent de pouvoir bosser ! Au nom du service rendu à l’usager, les conditions sont réunies pour que la personne soit tout entière à sa tâche. Au bureau comme à la ville. A la ville comme sur les rails. Il n’y a plus d’échappatoire.

Cyril C Sarot

Les Criminels :

…j’ai connu un homme qui avait fait juste cinquante ans de bagne.

Certain quinze août, on le gracia. Le voilà dans la rue, libre, riche de quelques sous gagnés à sculpter des cocos. Tant que l’argent des cocos dura, il mangea : tout en allant frapper aux portes pour solliciter de l’ouvrage et trouver à gagner du pain.

On lui demandait d’où il venait :

– J’ai été cinquante ans au bagne.

On détachait les chiens, et il n’avait qu’à filer bien vite sur ses jambes de septuagénaire, alourdies pendant un demi-siècle par le poids du boulet.

Il avait pour tout livret son passeport signé par le commissaire de Toulon et pour casquette un vieux bonnet vert.

– On devrait fonder, me disait-il, une maison de retraite pour les anciens forçats. Que voulez-vous qu’ils fassent ? J’ai volé pour être arrêté, je volerai pour qu’on m’arrête de nouveau ; qu’on me renvoie au bagne, où j’ai mes habitudes ! Je reprendrai mon petit train, je retrouverai mes connaissances, et j’attendrai tranquillement que la mort vienne.

Jules Vallès