LAIR Mathias

Enfin

Auteur : LAIR Mathias

Nombre de pages : 74p
Format : 13 x 21 cm

8,00

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Description

Extrait

Ne pas pouvoir leur dire, les lèvres scellées. La bouche si froide qu’elle flambe – si fort qu’elle disparaît.

Les entendre tous, comme ils ne peuvent faire. Leurs voix résonnent en dedans. Vibrent en écho tous leurs sous-entendus (vagues et sillages allusions déclinaisons reflux vrilles) – qu’eux même ne connaîtront jamais.

Inconnues, mais elles sont familières car toutes les voix sont la même, participent toutes d’un même concert. D’un individu l’autre, que d’infimes variations sur le même thème. Jouissant d’être noyées dans la même harmonie. Ne songent pas à s’éloigner l’une de l’autre. Comme un nuage d’étourneaux : celui qui s’envole le premier, le fait-il de son propre chef où se sent-il poussé par les autres ? Toujours est-il que l’ensemble suit et, réunis, ces oiseaux minuscules font un bruissement d’ailes fort et profond.

De correspondre, les voix se renforcent l’une l’autre. Un léger haussement de ton à un point du nuage, et les rythmes s’éparpillent, puis retrouvent l’unisson, reviennent au calme.

Pas une plus ou moins que l’autre, un accord où chacune ne fait qu’exécuter sa partie. Chacune pousse têtue son chant unique. Et pourtant fait masse.

*

Elles volent autour, le lit au centre de leurs évolutions. Elles s’inquiètent, elles commentent les faits et gestes. Parlent plus doucement quand elles s’approchent. Comme une ouate, infiniment bonne, infiniment aspirée.

Dès qu’elles s’éloignent, reprennent leur rythme naturel (s’étaient efforcées, en se rapprochant, de retenir leur souffle), comme des oiseaux sur leurs branches reprennent de plus belle, cela monte descend se reprend, elles s’accrochent les unes aux autres, dans un charivari, pas un mot de distinct.

Sans doute les syllabes sont-elles à portée. Mais impossible de les capter. Tendre l’oreille, quel insurmontable effort, il faudrait puiser l’énergie. Les mots passent au-dessus, dans un frôlement.

Mais le vrai sens n’est pas dans les mots, il niche dans les correspondances entre les voix. Une seule n’est rien sans une autre, sans l’ensemble des autres.