POUGET Émile, RECLUS Élisée

Le muselage universel suivi de “L’Anarchie”

Auteurs : POUGET Émile / RECLUS Élisée

ISBN : 978-2-35082-326-3
Nombre de pages : 60 p.
Format : 10 x 15 cm

5,00

Description

Extraits :

Le muselage universel :

Y a pas à tortiller : cette vaste blague de la souveraineté populaire est tombée rudement à pic pour nous faire perdre le nord. Sans elle on serait arrivé à comprendre que le gouvernement est une mécanique dont tous les rouages fonctionnent dans le but de serrer la vis au populo ; puis, avec deux liards de réflexion, on aurait conclu que le meilleur usage qu’on puisse faire de cette affreuse machine, c’est de la foutre au rencard.

On en serait venu à conclure que pour avoir ses coudées franches, pour vivre sans emmerdements, faut se passer de gouvernement.

Tandis que, grâce à l’embistrouillage de la souveraineté populaire, on a eu un dada tout opposé : on a cherché, ― et des niguedouilles cherchent encore, ― à modifier la mécanique gouvernementale de façon à la rendre profitable au populo.

Comme d’autres se sont attelés à la découverte du mouvement perpétuel ou de la quadrature du cercle, certains se sont mis à la recherche d’un bon gouvernement. Les malheureux ont du temps à perdre ! Il serait en effet plus facile de dégoter la boule carrée ou de faire sortir des crocodiles d’un œuf de canard que de mettre la main sur un gouvernement qui ne fasse pas de mistoufles au pauvre monde.

L’Anarchie :

L’œuvre de critique frondeuse à laquelle est soumis l’État s’exerce également contre toutes les institutions sociales. Le peuple ne croit plus, il ne croit absolument plus à l’origine sainte de la propriété privée, produite, nous disaient les économistes, ― on n’ose plus le répéter maintenant ― par le travail personnel des propriétaires ; il n’ignore point que le labeur individuel ne crée jamais des millions ajoutés à des millions, et que cet enrichissement monstrueux est toujours la conséquence d’un faux état social, attribuant à l’un le produit du travail de milliers d’autres ; il respectera toujours le pain que le travailleur a durement gagné, la cabane qu’il a bâtie de ses mains, le jardin qu’il a planté, mais il perdra certainement le respect des mille propriétés fictives que représentent les papiers de toute espèce contenus dans les banques.
Le jour viendra, je n’en doute point, où il reprendra tranquillement possession de tous les produits du labeur commun, mines et domaines, usines et châteaux, chemins de fer, navires et cargaisons. Quand la multitude, cette multitude « vile » par son ignorance et la lâcheté qui en est la conséquence fatale, aura cessé de mériter le qualificatif dont on l’insulta, quand elle saura en toute certitude que l’accaparement de cet immense avoir repose uniquement sur une fiction chirographique, sur la foi en des paperasses bleues, l’état social actuel sera bien menacé !