Description
Est-ce d’avoir retenu en elle pendant si longtemps sa pulsion poétique profonde que l’écriture de Philippe Gonnet aujourd’hui déferle ? Par vagues de lignes, toujours jumelées, incessantes, inépuisables, infinissables ? L’origine de cette fécondité, de cet amour du verbe, de cette quête dévorante de la lettre, est peut-être à chercher dans la fabrique de mots dont il a le souvenir, qu’on
appelait la casse typographique dans les imprimeries à l’ancienne, où se choisissaient une à une les lettres qui feront les mots qui feront les phrases. Le poète vient de là, il s’y est alimenté, il en a respiré les encres chaque jour.
Aujourd’hui, du syndrome de Gutenberg, il fait le substrat de son inspiration. Ses mots sont un tissu où se trame la légèreté, où se noue la gravité ; ses phrases sont de fines cascades qui n’avouent
pas leur source ; son ouvrage est une fugue en ré mineur, toute en variations, rubans, spirales, et harmoniques ; sa voix, le long murmure d’une nuit sans achèvements.
Tandis que « sur le vide papier que la blancheur défend », cher à Mallarmé, Philippe Gonnet marque son empreinte, il nous donne quelques indices sur son dessein : « ces lettres se méritent », dit-il, « qui vont repousser la mort ».
Claude-Henri Buffard