Description
Extrait :
Plusieurs années durant, j’animai, dans un centre de gérontologie, des ateliers d’expression chantée en direction des résidents. C’est là que je rencontrai Léo de V.
Journaliste dans la haute couture, il avait connu Yves Klein, Mistinguett, les fêtes de l’école des Beaux-arts d’avant-guerre.
Nous parlions souvent ensemble et quand je découvris son antisémitisme, son adoration pour le IIIe Reich, je crus avec beaucoup de naïveté que son témoignage m’aiderait à comprendre.
Léo de V. se tenait toujours au fond de la salle. Il exprimait ainsi sa différence : de V. était l’un, le groupe était l’autre. Il ne chantait jamais. Il souriait et cela voulait dire : « comme je connais tout cela ! », parfois aussi : « comme cette chanson est stupide ! ».
Il observait les résidents d’un regard circulaire, cinglant, sans se départir de ce vague et cruel sourire. A la fin de la séance, il nous quittait, tel l’ambassadeur d’un royaume dont lui seul possédait les clés, poussant son déambulateur avec dédain, comme il aurait encouragé de la main un esclave docile.