Description
L’infini ne se discute pas, nous dit Emmanuelle Le Cam, car il est à portée de main: il est évidence. Il est dans les lignes d’un paysage, dans la caresse et la fusion, dans l’appel muet des dépossédés, dans le murmure secret des corps. Il est parfois rencontré par l’écriture et ces poèmes toujours nous en rapprochent. Il est juste derrière le papier de soie…
Cet infini est au cœur de la vie ordinaire et dans la simplicité des phrases. Il apparaît lorsque la fausse banalité des jours se dispose en conscience du miracle. Il précipite lorsque les mots les plus clairs se succèdent autrement.
Là où l’on faisait remarquer la limite, la poésie décèle des ouvertures.
Ainsi de ces voyages vers des citadelles bien réelles, celles de la rade de Lorient, en leurs parfums de route des Indes et de commerce triangulaire. Ainsi de ces paysages précaires qui s’animent en esquisses et contours: champs, rochers, bruyères et bois, réunis par le vent. Les chambres sont ouvertes sur la nuit et la lune, habillées par la silhouette des chats. A rebours de la mémoire on entend ici la voix d’une adolescence éternelle où se côtoient l’amour absolu et l’intuition qu’il se déroule sur filigrane de mort. Tout est savoir du sursis, toucher de la brièveté, espoir que demain sortira de l’ombre. Tout est noté, ausculté: le battement ténu des veines, l’irrigation des minutes, le fil de la vie.
Ce regard s’étend en compassion, il accompagne des marches inexorables: celle des vagabonds qui, dans la rue, sont délestés de tout, sauf de la reconnaissance de leurs chiens; celle des combattants écrasés par les directions de l’histoire; celle des femmes qui souffrent et dont l’auteur met la voix au premier plan; celle d’un temps qui dure toujours, où l’on clouait les rapaces nocturnes sur les portes des granges.
Ce parcours se prolonge en s’abandonnant au vent. C’est l’élan de l’air qui nous réunit au plus vaste univers et nous dit l’impossibilité des retours. La marche reconnaît le gouffre. Un court moment recrée l’éternité.
Alexis Gloaguen